Au refuge de la Pilatte

Le 30 octobre 2019

Seul.

Samedi dernier, nous avions dû renoncer à gagner le refuge de la Pilatte à cause d’une passerelle retirée et d’un torrent infranchissable à gué.

Déçu, j’ai envisagé d’y retourner seul en utilisant le sentier moins classique de la rive gauche ayant pour avantage d’éviter cette traversée.

La route de la Bérarde étant fermée pour travaux en semaine, il ne me restait plus comme possibilité que de passer avant l’arrivée des ouvriers, soit, avant 7h1/2 du matin et de redescendre après 17h ; projet un peu fou compte-tenu de la distance entre mon domicile et mon objectif.

Tant-pis, je n’aime pas rester sur un échec. Donc, ce mercredi matin à 4h, j’ouvre mes volets pour constater que le ciel est étoilé. Il y a bien un petit voile blanchâtre au nord, mais c’est du coté de la Savoie.

Branle-bas, c’est décidé j’y vais. Petit déjeuner et faire le sac sont expédiés en une demi-heure.

Quand je pars vers 5h moins le quart, les étoiles se font plus rares. Tant pis on verra bien.

En descendant sur Saint Pierre de Chartreuse, je rentre dans le brouillard. Au col de Porte, les étoiles réapparaissent, puis brouillard, parfois épais, jusqu’à Grenoble.

Au petit jour, vers Venosc, des nuages discontinus s’accrochent aux sommets. A Saint Christophe, le chantier est encore désert et je puis passer.

A 7h, je suis, seule voiture, sur le parking à la Bérarde.

Le ciel n’est pas très engageant, mais la température est douce pour cette altitude et pour la saison.

J’hésite entre attendre pour voir si les choses s’améliorent ou partir de suite car je sais que la marche sera longue. Ce sera la seconde option que je retiendrais.

J’ai dit température douce, oui, c’est relatif… Il courre un petit vent catabatique qui descend la vallée. Je reste habillé.

Dans le demi-jour, je remonte le sentier emprunté samedi, mais pour un temps seulement.

Un peu avant le plan du Carrelet, je franchis la passerelle (pérenne, celle là!) et gagne la rive gauche. Une petite montée pour contourner un rocher, puis le sentier, étroit, se faufile dans les herbes qui se déchargent fraichement de la rosée de la nuit sur mes mollets. Il me reste encore un point critique : la traversée du torrent qui descend du glacier du Chardon. Super ! La passerelle est encore là. Une raide montée pour rejoindre le sentier principal m’échauffe suffisamment pour pouvoir enfin me mettre nu. De là, on domine le plan du Carrelet, puis les vaste épandages de graves où serpente le Vénéon.

Cet itinéraire, finalement est plus beau que celui du fond de vallée, car en hauteur, il ouvre de larges perspectives sur la rive droite.

Il va me conduire par un long parcours jusqu’au fond du vallon là où nous avions dû faire demi-tour, mais sur la rive opposée.

Désormais, ça monte sérieusement. Lacet après lacet on s ‘élève dans un monde minéral de moraines et d’éboulis. Autour de moi, les nuages se déchirent de plus en plus et les sommets enneigés s’illuminent de taches de soleil changeantes. Moi, par contre, je suis toujours dans l’ombre grisâtre des pierriers de roche mouillée.

400 m de dénivelé de montée soutenue, où je n’ai pas le temps d’avoir froid, vont me conduire au refuge que l’on ne découvre qu’au dernier moment avec le cirque de la Pilatte : immenses glaciers et parois enneigées. Loin en dessous, la langue de glace vient finir dans la gorge.

Vite quelques photos de nu et je vais me rhabiller pour manger aux rayons d’un pâle soleil contre le mur sud du refuge. D’un seul coup, le froid s’abat sur moi et je tremble au point d’avoir du mal à enfiler mes vêtements.

Je ne traine pas trop ici. La descente me réchauffera peut-être. Malheureusement, le sentier est à l’ombre de la montagne.

J’accélère autant que possible pour gagner, tout en bas, les premiers zig-zags ensoleillés. Une petite pose au soleil et je retrouve la nudité.

En montant, j’avais repéré dans le lit du torrent un bastain de bois, reste d’une passerelle emportée par une crue. Je me disais qu’il suffirait de le mettre en travers, calé sur quelques pierres, pour pouvoir traverser. Rien à faire ! Il est relié à un câble, lui même pris dans les graviers. Impossible de le déplacer. Mais en observant le lit du torrent, je repère un enchainement de blocs qui doit permettre de passer. J’hésite un moment, puis tente le coup, équilibré avec mes battons. Ça passe.

Voilà, je suis sur la rive droite et rejoint le grand chemin par lequel nous étions monté samedi. L’intérêt est qu’il est mieux exposé au soleil que l’itinéraire de rive gauche. Je n’en profiterais guère car un méchant nuage semble me poursuivre.

Je fais une jolie variante dans les pins en empruntant un sentier de jonction qui va en direction du refuge de Temple-Ecrins. Bien sur, je ne monte pas jusqu’à ce dernier, mais redescend dès que je rejoint le chemin principal.

Je me prend en photo, non loin du refuge du Carrelet, mais des cris d’enfants me font vite enfiler mon short. Je passe dans cette tenue, torse nu, devant une petite famille bouche-bée au point de ne même pas répondre à mon bonjour.

Peu après, l’ombre de la Grande Aiguille gagne sur le chemin. Des personnes montent (Ah les promeneurs de l’après-midi !). C’est donc habillé que je finirais mon périple.

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