Le Charmant Som

Mai 2011.

Seul

Alpes, massif de la Chartreuse.

Comment atteindre en randonue, un sommet particulièrement fréquenté sans croiser un grand nombre de promeneurs parmi lesquels il y aura probablement un ou plusieurs grincheux n’appréciant pas notre tenue préférée ?
Parmi les solutions, il y celle qui consiste à utiliser des itinéraires, moins fréquentés que la voie normale (plus longs, moins spectaculaires, etc…), mais au sommet vous retrouverez immanquablement la foule des beaux jours.
Randonner sous la pluie (ou la neige) pourrait aussi être une solution, mais quand même pas vraiment agréable, quand aux paysages …
Il ne reste plus qu’à jouer sur les horaires, être au sommet quand les autres sont encore sous la couette, à table ou devant leur télévision.
C’est une option que j’ai souvent retenue. Soit entre midi et 2 pour de courtes balades autour de chez moi, soit le matin comme au Grand Colon (voir récit précédent), soit en soirée.
Se lever avant les autres présente quelques inconvénients : même en plein été, en montagne, le froid peut vous inciter à rester habillé. D’autres matinaux peuvent vous accompagner, mais comme tous vont dans le même sens, le risque de rencontres est limité, sauf au sommet ; par contre à la descente, vous croiserez tous ceux qui partis à une heure moins glorieuse se succèdent par vagues colorées et bruyantes sur le sentier.
Pour le Charmant Som, le Grand Som, et quelques autres sommets très parcourus de Chartreuse, j’ai opté pour la randonue crépusculaire avec un départ vers 17 ou 18 h et un retour à la nuit, soit en juin ou juillet vers 22 h. C’est garanti. A part quelque éventuel attardé compréhensif, il n’y a plus personne au sommet.
Par contre, une bonne évaluation préalable du temps de parcours, des obstacles à surmonter et des espaces traversés est nécessaire sous peine de bivouaquer (il est plus facile de suivre de nuit un large chemin forestier, qu’un petit sentier mal tracé enfouis sous les feuilles mortes…).

Le Grand som, le couvent et la Correrie depuis Valombré.

Donc, je pose ma voiture au pont de Valombré, dans les gorges du Guiers Mort vers 17 h15.
La route, propriété de l’O.N.F., est interdite à la circulation sur les 3 km à parcourir pour arriver au habert de Malamille. Il y a là une autre voiture, et je préfère rester pour le moment habillé. Bien m’en a pris, car peu de temps après descend un camion chargé de bois avec des ouvriers que je connais. Au bout d’un kilomètre de marche, la prairie de Valombré dégage une vue remarquable sur le Grand Som et le couvent ; puis la route s’enfonce à nouveau dans la forêt avant de rentrer dans la combe herbue de Malamille.

Le habert de Malamille.

Le habert est constitué de trois bâtiments typiques de l’architecture cartusienne, dont une grande grange et une habitation. Ce lieu fut pendant la dernière guerre le site d’un camp de Jeunesse et Montagne dont les occupants ont laissé une fresque représentant un chamois sur un des murs de la maison.
En ce lieu, je quitte la route goudronnée pour une piste forestière qui monte à gauche. Je me déshabille alors, supposant que les propriétaires de la voiture sont certainement en balade au belvédère des sangles, au terminus de la route.

A la brèche de la Cochette.

La piste remonte quelques temps la Combe de l’If, puis se transformant en sentier finit en quelques lacets au col de la Cochette qui permet de franchir une crête rocheuse et de basculer sur le versant de Tenaison. Une photo, un biscuit, et c’est repartit, accompagné de mon nuage de mouches énervantes. Le sentier chemine ensuite à peu près horizontalement dans l’ombre tamisée en forêt, encombré de végétation, attention aux orties…

A proximité de la fontaine de l’Oursière.

Bien que marchant rapidement je n’ai guère l’impression d’avancer et commence à m’interroger sur le respect de l’horaire que je me suis fixé. Finalement j’arrive à la fontaine de l’Oursière avec 5 mn d’avance sur mon tableau de marche. j’en profite pour une petite pause et quelques photos.

A ce point, l’itinéraire sort définitivement de la forêt et s’engage dans le « Pré Bâtard », jolie combe herbue faisant face aux impressionnantes falaises de calcaire blanc qui soutiennent la prairie des chalets du Charmant Som.

Pré Bâtard.

le couvent s’enfonce dans la nuit.

La cluse de la Porte de l’Enclos.

La combe du Pré Bâtard se termine abruptement sur un a-pic qui redonne sur la Combe de l’If.

Dernier ressaut.

Le sentier se perd quelque peu et revient en arrière presque à 180° pour suivre la crête de Chamechine peuplée de pins à crochets tordus par les intempéries. Le cirque rocheux se referme avec à gauche l’a-pic vertigineux de la face Nord du Charmant Som et à droite un ressaut rocheux qu’il surmonte avec quelques pas nécessitant les mains.

En vue du sommet.

Je progresse avec attention, l’oreille aux aguets afin de ne pas déboucher impromptu au milieu d’un groupe qui se serait attardé au sommet (Vers le sud, celui-ci est à une 1/2 h de marche de la route goudronnée venant du Col de Porte.). Je passe la tête au dessus d’une dernière barre de roches moutonnées et aperçoit la croix dont les abords sont déserts.

Chamechaude.

En quelques mètres j’y suis, face à Chamechaude, le point culminant du massif de la Chartreuse que dorent les derniers rayon du soleil couchant.
A une centaine de mètres au Nord, dans la prairie, je découvre un animal que je penses d’abord être un chien accompagnant son maitre. Puis le comportement de l’homme qui visiblement prend des photos, me semble bizarre. Je concentre mon attention sur la cène et en guise de chien identifie un chamois peu craintif dont le photographe cherche à tirer le portrait.

A la croix.

Dans les dalles du Charmant som (versant Est).

Au Collet, la croisée des chemins.

Encore un beau chamois noir à quelques mètres. Derniers rayons de soleil sur les plus haut sommets, et arrivé à la brèche du Collet, le soleil est définitivement couché. Je suis enfin délivré du harcèlement des mouches. Je bascule par la brèche dans le versant Nord et la forêt que la nuit envahis rapidement. Le sentier, étroit descend en de nombreux zigzags, se perd de temps en temps dans de hautes herbes, puis fini, la nuit étant devenue bien sombre sur une piste forestière interminable, encombrée de flaques d’eau et de pétasites aux feuilles géantes. Peut-être parce que les orties sont endormies à cet heures, j’échappe presque miraculeusement aux brûlures pourtant probables car je ne distingue plus rien. Enfin le goudron, puis le long retour sur cette surface dure, peu agréable à mes pieds quelque peu endoloris. A 22h15, toujours nu, je suis à la voiture. Il commence à faire frais. Dans10 mn je serais sous la douche pour me débarrasser de la sueur qui poisse ma peau.

Extrait de carte IGN