Le cirque de Périoule

Alpes : chaîne de Belledonne.

8 et 9 septembre 2008.

Seul.

Le cirque de Périoule se situe au Sud de la station du Collet d’Allevard à la source du torrent du Veyton.

Vers 9h, je quitte ma voiture au départ de la piste du “Pas du Boeuf“, à la dernière grande épingle à cheveux de la route qui monte au Collet d’Allevard.
Il y a pas mal de temps que j’envisage de faire un tour dans le cirque de Périoule, où se niche le refuge du Merlet.
Mais l’accès à ce lieu est un des plus éloignés de tout le massif de Belledonne depuis que la route forestière du Veyton a été fermé à la circulation automobile.
A force d’étudier les cartes j’ai fini par trouver une combinaison d’itinéraire pouvant permettre une certaine économie d’efforts.
Elle consiste à partir en traversée dans le versant Ouest du collet d’Allevard, puis à rejoindre la route forestière du Veyton vers 1000 m d’altitude par une descente de 250 m de dénivelé. Au retour, je descendrais intégralement la même route jusqu’à la départementale et remonterais au Collet d’Allevard en stop.
Bref, revenons à la piste du Pas du Bœuf. Passé la première inflexion qui me met hors de vue de la route départementale, j’envisage de me mettre nu, mais j’observe au sol des traces fraîches de véhicule qui me font penser que des voitures sont devant moi. prudemment, je renonce à me déshabiller et me contente de progresser torse nu.
En effet, au bout de quelques kilomètres je passe à proximité d’un 4X4 stationné et perçoit de plus en plus nettement des bruits de tronçonneuse.
Plus loin, une seconde voiture, puis un tracteur forestier placé en travers du chemin, adossé au talus à cet endroit taillé dans le rocher, me barre le chemin. le moteur tourne, mais personne n’est à bord. les bûcherons travaillent un peu plus bas dans la pente et ne peuvent pas me voir.
Je m’apprêtais à enjamber le câble reposant flasque sur le sol quand le moteur de l’engin change de régime et le filin se tend. Je me jette en arrière et comprend que le tracteur est télécommandé depuis le bas.
Le câble remonte par à-coups. Je n’ai plus qu’à attendre que le tronc soit arrivé pour demander que l’on veuille bien me laisser passer.Maintenant, je distingue à travers les arbres une forme humaine qui remonte rapidement. Il s’agit d’un bûcheron debout sur le tronc tel un surfeur.
Sa petite démonstration d’équilibre arrivée à son terme, ce dernier déplace le tracteur et me libère le passage.
100 m plus loin, je puis enfin me mettre nu et entame la descente vers le fond de la vallée.
Une fois la route du Veyton atteinte, je constate là aussi de nombreuses traces de passage, et renfile mon short, une voiture est si vite arrivée.
De plus un hélicoptère fait d’innombrables allées et venue au dessus de ma tête transportant des sacs de ciment en direction d’un chantier plus haut dans la vallée.
Quelques kilomètres de route déserte m’amènent au Plan de l’Ours où je passe devant le campement des bergers. Les deux bergères me saluent et surtout retiennent leurs redoutables patous.
Les moutons sont descendus la veille et le sentier est recouvert de leur déjection rendant les rochers et les dalles désagéablement glissants.
A voir la direction que prend l’hélicoptère, je conclu que le chantier se situe sur le barrage de l’étang de Périoule.

L’étang de Périoule.

Je devrais encore attendre pour me mettre nu, des ouvriers pouvant à tout moment emprunter le sentier de la montée de « Tirequeue ». Au barrage quelques combines rouges s’affairent, empilant les sacs que l’hélico apporte sans discontinuer à raison d’une rotation toutes les 5 minutes.
Je reconnais le chef de chantier avec qui j’ai déjà eu des contacts dans mon boulot, un bonjour, tiens c’est toi !,ils n’ont pas plus le temps de discuter. J’ai bien fait des rester habillé. Nu, ma réputation professionnelle en aurait pris un coup !
Tout le long de la montée de l’Aup du Pont, je suis visible du barrage, toujours rien à faire, pas de nudité.
Enfin, je débouche sur l’alpage de Périoule, enfin seul, enfin nu.

Après un dernier ressaut, on débouche dans l’immense plan herbu de Périoule.

Lourdement chargé (mon sac contient le matériel de bivouac, la nourriture, et comme je suis seul, du matériel de sécurité) Je commence à accuser la fatigue, des crampes me forcent à faire de nombreuse pauses.
Finalement au bout de 5h de marche je découvre le refuge du Merlet. Il est situé dans un cadre grandiose, dominant un vaste cirque à fond quasiment plat fermé au Sud par la haute et sombre muraille du Grand Morétan.

Fontaine du refuge du Merlet et le Grand Morétan au fond du cirque.

Le refuge s’avère confortable. Je pose mon sac et emportant avec moi un sursac pour m’isoler du sol et quelques vivres à grignoter. Je vais m’installer à une centaine de mètres du refuge en un point où je puis voir arriver d’éventuels autres randonneur sans être vu moi même.

Je fais le tour du locataire.

Je somnole entièrement exposé au soleil dans un douce béatitude que personne ne viendra déranger.
Quand l’ombre commence à manger les prairies, je reviens au refuge, fait quelques photos dans la lumière dorée du couchant, puis m’installe pour le dîner.

Au bord du ruisseau.

Ce soir je serais le seul locataire.
La lune surgit derrière le Grand Morétan, alors que le soleil abandonne à regret les crête dans un rougeoiement de plus en plus imperceptible.

La lune se lève.

Nuit froide, que j’affronte bien au chaud au fond de mon duvet.

Dans le livre du refuge, quelqu’un vantait la beauté d’une boucle par les cols de la Colombière et du Merlet. Je décide de suivre son conseil.
Je part nu quand le soleil affleure la porte de la cabane, mais passant dans l’ombre qui occupe encore le fond de la vallée, je dois vite renfiler un polo.

Froide montée..

Ce n’est que bien plus tard, un peu en dessous du lac de la Colombière que je retrouverais la douce chaleur du soleil sur la peau.

Enfin le soleil…

L’arrivée au lac sera l’occasion d’une séance de barbouillage extensif à la crème solaire, opération pas très agréable, mais indispensable à cette altitude.

Je contourne le lac de la Colombière.

Du lac, le col de la Colombière semble raide et difficilement franchissable. L’auteur du texte dithyrambique lu hier soir, m’enverrait-il au casse pipe ?

Remontée dans les éboulis sous le col de la Colombière.

Je décide de ne pas me laisser impressionner, sachant qu’une pente paraît toujours plus raide qu’elle ne l’est quand on la regarde de face. Je monte et je verrais bien si cela passe ou non.
Finalement, à part quelques éboulis fuyants, cela n’est pas si terrible et j’émerge sur le col. Photos de chaque versant avec moi nu.

Pause au col de la Colombière, vue en direction de l’Ouest.

La descente sur l’autre coté (vers la combe du Merlet) me donne un peu plus de fil à retordre. Il me faudra trouver une sorte de vire descendante pour franchir une barre de rochers pourris. Un névé, puis un chaos de bloc et j’arrive en vue de la cabane d’alpage de la Vieille Route. Un 4×4 est garé devant. Plutôt que de me rhabiller , j’entreprends une traversée à flanc 100 m au dessus, en partie caché par des bosses herbues.
Derrière une épaule, sous le col du Merlet, je tombe sur un petit troupeau de moutons que j’évite par un grand détour (pas par respect pour les moutons, mais pour le patou qui les accompagne).
Après un peu de gymnastique dans un éboulis à gros bloc, je retrouve le sentier “officiel“ qui monte au col du Merlet.
Peu avant ce dernier, un chien en sentinelle sur la crête attire mon regard, son patron ne doit pas être bien loin. je renfile précipitamment mon short. En effet arrivé au col je croise un berger qui démonte ses parcs. Un bonjour, que je perçois un peu goguenard, m’a t-il vu dans mon état de nudité ? en tout cas il ne m’en parlera pas.

Vu du col du Merlet, la descente dans les éboulis sur le refuge.

La descente sur le refuge du Merlet serpente à travers un chaos de blocs et je suis rapidement hors de portée de vue : retour à la nudité…

Une petite pause à la cabane, puis il faut bien redescendre d’autant plus que le temps se gâte.
Je redeviens temporairement textile pour passer à proximité du chantier du barrage, puis me couvre définitivement à une centaine de mètres du campement des bergers. Ces derniers sont en train de plier leur matériel, la bergère finit la vaisselle.
Maintenant j’en ai pour 8 km de route, interminable…
L’envie me tenaille de ne remettre « à poil » mais la possibilité qu’une voiture me surprenne m’en dissuade. A propos de voiture, tiens en voilà une qui descend. Je brandit le pouce bien haut …
la camionnette s’arrête, il s’agit d’un des bergers, il hésite un moment (m’a t’il vu en état de nudité ?) puis libère le siège à coté de lui et m’invite à monter.
Nous discutons sur l’alpage, la météo de l’été, les loups, etc… tout le reste du voyage.
A peine débarqué au croisement des routes, une seconde voiture me remonte au collet d’Allevard.

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