La révolution naturiste

En 1994 , le législateur, en remplaçant l’ancienne notion “d’attentat à la pudeur“ (article 330 du code pénal) par l’article 222-32 réprimant l’exhibition sexuelle, ouvrait de nouveaux horizons au naturisme. La simple nudité n’étant pas de l’exhibition sexuelle n’était donc plus répréhensible.
Cependant, les mentalités n’étaient pas prêtes à l’accepter que ce soit du simple citoyen, au policier ou au magistrat et on continua à conspuer, poursuivre et souvent condamner celui qui osait se mettre nu en public en dehors des espaces dédiés au naturisme.
Et même si ce dernier se développait largement en France, le fait de rester enfermé dans les limites de “camps“ et de plages réservées contribuait pour la majorité de nos concitoyens à lui donner une réputation quelque peu sulfureuse et libertine.
Il y a environ une quinzaine d’années, quelques uns d’entre nous, ne supportant pas d’être parqués dans des espaces dit “dédiés“ ont commencé, très discrètement, chacun dans son coin, à randonner nus, à se baigner nus, à se faire bronzer nus dans des lieux retirés, très peu fréquentés avec la peur au ventre d’être vus, reconnus, dénoncés. Ce qui d’ailleurs n’était pas sans apporter un certain parfum d’aventure.
Quand, il y a quinze ans de cela, tapant sur internet les mots “randonnée“ et “nu“ j’eus la surprise de découvrir le yahoo-group “randonue“, je me sentis d’un coup soulagé d’un grand poids : je n’étais pas le seul à pratiquer, je n’étais pas un détraqué mental ou sexuel.
A cette époque les échanges portaient souvent sur les moyens d’être le plus discret possible, la rencontre d’un “textile“ étant à éviter absolument.
J’ai été de ceux qui théorisaient les règles d’un excitant jeu de piste dont le seul but était de passer totalement inaperçu.

En 2010 : des itinéraires discrets dans des lieux oubliés.

Alors, quand, pour la première randonue collective que j’ai organisé, c’était en 2006, j’ai vu débarquer  Christian LEGER, nu de sa voiture sur un parking public, j’ai été horrifié. Au cours de la rando, nous avons rencontré quelques personnes que Christian croisait sans se rhabiller, les gratifiant d’un joyeux bonjour. Je me jurais de plus jamais le ré-inviter à une de mes randonues et continuais à jouer à cache-cache.
Notre regretté Christian était alors très en avance par rapport à nos perceptions de l’époque.
Progressivement, grâce à internet, un très petit groupe se constitua dans la région Rhône Alpes et toutes mes randonues ne furent plus forcément solitaires.
A partir de 2013, je participais à des regroupements de randonneurs nus en France, puis en Espagne. Randonner nus en groupe d’une vingtaine de personnes, ou plus, nous donna de l’assurance ; d’autant plus qu’en Espagne, la nudité n’est pas poursuivie.
Ce fut l’occasion de s’apercevoir que les “textiles“ croisés ne sont pas, la plus part du temps, hostiles, mais seulement surpris et amusés.

2014 : Gorges de la Nesque. les groupes de randonneurs naturistes n’hésitent plus à emprunter des itinéraires fréquentés.

Un peu plus tôt s’était fondée l’APNEL (Association pour la Promotion du Naturisme en Liberté).
Ses nombreuses interventions médiatiques nous firent sortir de l’ombre. Et quelque fois, lors de rencontres nous fume gratifiés d’un « Ah oui, j’ai déjà vu cela à la télévision ».
Aujourd’hui, après près de 20 ans de pratique, je ne crains plus les rencontres. Les mentalités ont largement évolué, nous ne sommes pour la plus part des gens que de sympathiques originaux. Bien sur, on rencontre encore de temps en temps des grincheux, mais cela ne va pas plus loin qu’une réflexion désagréable.
La tenue d’un stand naturiste, avec des militants nus de l’APNEL, sous l’égide de la FFN, à la Fête de l’Humanité de 2016, devant quelques centaines de milliers de spectateurs, fut un grand événement médiatique dont les conséquences positives pour le naturisme sont considérables.

2015 : Bretagne, GR34 : 120 personnes croisées dans cette tenue la même journée, la plus part du temps dans la bonne humeur. Sans gendarmes à l’arrivée !

Aujourd’hui, je penses que l’on peut considérer que pour la plus-part des gents, nudité n’égale plus exhibition.

Et puisque la nudité n’est pas exhibition, et par là même ne tombe pas sous le coup de l’article 222-32, elle est légale partout où elle n’est pas expressément interdite.
Bien sur, il nous importe de respecter les convictions des autres, de ne pas nous imposer à ceux que cela gêne. Nous ne serons acceptés qu’à cette condition.

Ce renversement de perspective risque de considérablement impacter le milieu naturiste français.
Une des conséquences en sera le développement d’un naturisme spontané, hors club et hors structures, comme il en est d’autres activités : randonnée, alpinisme, ski, natation, vélo, etc…
Ce naturisme  sera également mixte au sens où pourront se côtoyer sur le même site ou la même activité “textiles“ et naturistes. Les randonnées mixtes OVS organisées par nos amis de l’APNEL de la région parisienne montrent que le concept est bien accepté.
Les grands centres “ghettos“ perdront peut-être une part de leur attractivité, puisque qu’ils ne seront plus incontournables, mais ils ont l’avantage d’assurer une sécurité et une certaine convivialité. Il seront concurrencés par de plus petites et plus nombreuses structures “naturist friendly“ pouvant être selon la demande naturistes ou textile ou les deux en même temps (campings, gîtes, etc..). Ce qui leur assurera une plus grande stabilité économique. C’est déjà le fonctionnement esquissé lors d’organisation de semaines de randonue.
Du coup, la mentalité des naturistes devra évoluer et accepter la cohabitation avec des textiles et ne plus se sentir gêné par leur regard.
Alors que les clubs attachés  leur terrain péricliteront avec une population vieillissante, de nouvelles associations se développent déjà, sans la charge de la gestion d’un terrain, et proposant un panel d’activités naturistes varié, utilisant notamment les structures existantes, pas forcément dédiées au naturisme.
Pour autant les combats militants ne seront pas terminés. Nos opposants ne pouvant pas s’appuyer sur l’article 222-32 multiplieront au nom de l’ordre public les arrêtés communaux d’interdiction du naturisme que nous devrons combattre un à un, ce qui demandera une vigilance de tous les instants car le délai de contestation est limité à 2 mois.
Ce bouleversement va induire de sérieux débats au cœur de notre fédération pour des raisons idéologiques et économiques. Il faudra persuader, convaincre. Il y aura des hauts et des bas, des retour en arrière. L’APNEL et les  associations progressistes auront encore “du pain sur la planche“.

Bruno (de Chartreuse)

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