Les lacs de la Tempête

28 juin 2016.

Seul.

Alpes, massif du Beaufortin.

Cela fait plusieurs fois que Catherine, sur OVS, m’invite à cette rando et doit y renoncer à cause de la météo. Et comme je ne serais pas disponible pour la prochaine, je me suis dit que je pourrais bien la faite tout seul… et de plus en randonue !
Venant de Chartreuse, Beaufort, c’est loin. Je choisis donc de partir de Bénétant au dessus de Cevins en Tarentaise. De plus cet itinéraire à plus d’ampleur que celui depuis le lac de Saint Guerin. Il comporte aussi quelques passages un peu acrobatique câblés, ce qui n’est pas pour me déplaire.

Chalet à Bénétant.

A 9h du matin, je laisse la voiture un peu en dessous du hameau de Bénétant, puis traverse le village.

La cascade du Dard.

Des panneaux indiquent la cascade du Dard, mais le sentier se perd vite dans des prairies aux herbes hautes et mouillées de la rosée de la nuit.
Malgré le soleil, le fond de l’air est encore frais (9° affichait la voiture), ce qui fait que j’hésite à me mettre nu.
Finalement, avec le GPS, je retrouve le sentier là où il rentre dans la forêt.
Le sentier ne tergiverse pas avec la pente, il monte presque tout droit en rive gauche de la cascade.
L’effort intense et un peu de chaleur conservé de la veille sous les frondaisons, font que je suis rapidement en sueur et adopte la nudité. Une brève vue sur le pied de la cascade et les choses sérieuses commencent. On s’élève toujours en forêt entre des barres rocheuses. Les passages les plus scabreux sont câblés. Par endroit des marche-pied ont été scellés dans la roche.

Dans la montée de la cascade du Dard.

Passage délicat.

Après 400 m de dénivelé dans ce style très soutenu, on débouche dans le vallon suspendu du Dard.
Point de lac en vue, seul le torrent un peu maigrichon, car EDF lui pique la plus grosse partie de ses eaux un peu en amont.
A 1700 m d’altitude, la forêt fait place à un alpage abandonné envahis par des pétasites, rhumex et autres mauvaises herbes et où la trace se perd.
Une fois de plus, le GPS me sauve pour trouver le passage dans des buissons de vernes qui couvrent le ressaut suivant.

On débouche, au dessus des cascades, dans un vallon suspendu.

Ce dernier surmonté, je débouche dans une plagne marécageuse où serpente le torrent qui ici a retrouvé toute sa force. Sur la rive opposée s’élève la cabane de Chizeraz. Bien qu’un meilleur sentier semble se dérouler de ce coté là, L’impétuosité des eaux exclus toute traversée.

Massif de Comborsier.

Vue sur le massif des Bauges.

Je surmonte un second ressaut et découvre enfin mon premier lac (le lac Vert) a moité comblé par un delta du torrent.

Le lac Vert.

Encore un ressaut et un chapelet de petits lacs, puis le lac inférieur de la Tempête, bordé de névés et où flotte une ile de glace.
Un traversée dans des pentes de neige au dessus du lac mobilise mon attention. Il est exclus de glisser et de venir finir dans le lac ou flotte une neige bleutés et saturée en eau.

Lac inférieur de la Tempête.

Massif de Comborsier.

Lac inférieur.

Petit lac intermédiaire.

Dernier verrou rocheux et j’arrive au lac supérieur presque entièrement couvert de glace et de neige. Pas question de traverser, tout cela est en déliquescence. Je contourne toujours en rive gauche.
Il y a pas mal de monde venu du coté Beaufort et je dois renfiler le short.
Un petit groupe installé sur un promontoire au dessus du lac m’intrigue. De leurs sacs dépassent des ustensiles étranges (balises orange, panneaux clairs, etc…) Peut être s’agit-il de la mise en place d’une de ces stations GPS qui ces jours-ci vont tenter de mesurer les mouvements de l’écorce terrestre à travers les Alpes.
Je poursuis un peu plus loin pour voir le paysage derrière le col puis revient sur mes pas. Je retrouve la nudité, mais voilà que de derrière des blocs débouche un groupe. Ils m’ont vu nu, je renfile posément mon short, montrant ainsi mon respect. Hors quelques sourires complices, je ne reçoit aucune remarque.

La supérieur.

Pause Casse -croute.

Il est temps que je m’arrête pour casser la croute. Un peu en dehors de la trace, une belle table de pierre me tend les bras. Je me prend en photo avec le pied, puis tombe en arrêt sur une magnifique plaque de cristaux. La pierre est imposante et j’hésite à l’emporter compte tenu de son poids. Finalement, je la glisse difficilement dans mon sac après en avoir rembourré le fond avec mes vêtements, de peur de le déchirer. Je charge difficilement le sac, c’est lourd, très lourd, mais je ne vais quand même pas abandonner sur place une si belle pièce…
Je me met en marche en me disant que je n’arriverais certainement pas jusqu’en bas avec une telle charge. J’irais jusqu’où je pourrais et cacherais le bloc pour revenir le chercher un autre jour.
Tout à ces réflexions, je descend précautionneusement de quelques 250 m en assurant chaque pas. Me passe par la tête de prendre une photo. Photo ? Mon appareil ! Tout à l’emballage de mon cailloux, je l’ai laissé la haut à coté de la table de pierre. Je n’ai pas le choix, il faut remonter le chercher. Bien sur, j’abandonne ma lourde charge un peu à l’écart et remonte, léger, dans mon plus simple appareil. Une angoisse me prend alors. S’il m’arrivait quelque accident, je serais totalement démuni, sans habits (ils sont dans le sac), sans téléphone (il est avec l’appareil photo). Je ne donnerais pas cher de ma peau !
Je retrouve sans difficulté l’appareil photo (et le téléphone) et reprend la descente rassuré.
C’est là que je vois arriver un groupe, avec des jeunes femmes qui monte. Je suis nu et n’ai comme seul attribut que mes chaussures, ma casquette et mon appareil photo en bandoulière. Je dois bien affronter l’adversité et passe en disant gentiment bonjour. Les autres sont sidérés… Ils ont du me prendre pour un fou.
Finalement, je retrouve le sac et son poids. Encore un effort. J’abandonnerais le cailloux à la limite supérieure de la forêt avant la descente délicate le long de la cascade. Il y a là à coté d’une pancarte, un confortable banc de pierre où je fait une pose. Cacher les cristaux ? Il faudra revenir… J’hésite… Finalement je décide de tenter le coup de descendre avec la pierre. Et cela ne se passe pas si mal. Mes épaules et mon dos soufrent. Une glissade me vaut quelques entailles à la fesse. Mais j’arrive au bas de la pente. Je ne repasse pas par la prairie, mais emprunte une piste forestière qui doit me ramener à la route un peu en dessous du hameau. Je poserais le sac à l’embranchement et irais chercher la voiture léger.
La piste passe au dessus d’un champ ou paissent des moutons. Et voilà, il ne manquait plus que çà, surgit le patou de service qui en veut à mes molets. Avec ma lourde charge, je ne suis pas des plus agile pour lui tenir tête. Finalement, il n’est pas trop agressif et près quelques bruyantes tentatives d’intimidation, m’abandonne.
Plus que quelques centaines de mètres à parcourir et je suis à la route.
De retour à la maison, je pèserais mon sac : 18 Kg.
Aujourd’hui, le lendemain, où j’écris ces lignes, il faut que j’empile 8 stères de bois. Ca va être dur…

La pierre sur le gazon de mon jardin.

Extrait de carte IGN.